100 PEINTURES

12.03 — 06.05.2022

EDGAR SARIN 

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En découvrant il y a quelques semaines l’exercice olympique auquel s’attelait Edgar Sarin, soit peindre cent peintures en cent jours, j’ai pensé qu’il y avait là le sujet d’une fable ou d’un conte. Le personnage principal n’en aurait point été le peintre, mais sa production : « Il était une fois cent petites peintures... » Voilà comment cela aurait dû commencer. Ces tableautins autonomes me semblèrent au premier abord résolument du côté de la fantaisie, tant technique qu’imaginative, au sens noble du terme pour un peintre, c’est-à-dire celui que lui a donné Fragonard par exemple. Chaque peinture avait l’air de parler à sa voisine avec sa personnalité propre, certaines un peu gauches, timides, d’autres sûres d’elles, frôlant l’arrogance ; elles se scindaient naturellement en familles et me semblaient constituer une formidable société pour ce conte sans âge. Il est vraisemblable qu’Edgar Sarin les considère lui aussi comme des êtres avec qui discuter et qui lui donnent du fil à retordre autant que du plaisir. Toutefois, au fil des jours, la réalisation des peintures avançant, il est apparu que l’atmosphère des contes de fées ne leur siérait point tout à fait. L’affaire est plus sérieuse qu’il n’y parait. Les cent peintures d’Edgar Sarin ont plutôt le caractère et la nonchalance des Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon.

En guise de faits divers, de brefs événements visuels ont eu lieu sur des surfaces, et le peintre s’est promis d’en archiver la trace, aussi pragmatique que poétique. C’est un répertoire intime que Sarin dévoile à travers ces cent peintures, un répertoire de gestes fugaces. À l’étage inférieur de FORMA, les études de Matisse et de Gauguin dans l’exposition Le bonheur de vivre évoquent ce moment où l’œuvre est laboratoire et où tout est encore permis afin que le tableau s’élabore. Le peintre y laisse l’événement advenir, avec une dose de précision mais sans jamais trop de méticulosité. Edgar Sarin m’a un jour décrit ses cent peintures comme autant de « tubes à essais ». Pourtant, toutes sont aussi achevées que les grands formats montrés lors d’expositions passées. Nul ne peut prédire si chacun des cent tableaux donnera un jour naissance à un autre développement. Peut-être qu’au contraire, de grandes peintures antérieures ou des sculptures sont à la genèse de ces petites synthèses picturales. À quel moment passe-t-on de l’état de fragilité embryonnaire de l’étude à la solidité du tableau fini ? Quand arrêter l’expérience ? Selon Sarin, les peintures ont chacune acquis un état d’achèvement à partir du moment où elles ont incarné la résolution d’un problème.

Ce dernier est généralement d’ordre technique, il concerne la main et il n’est pas forcément perceptible par quelqu’un d’autre que le peintre lui-même. Il est question de coup de pinceau avant tout, de touche, de brosse, de transparence, de superposition, de matière, d’assèchement, de relief ou de son absence, de vitesse. De ce répertoire de gestes émerge un autre vocabulaire, celui de formes reconnaissables : les dents de scie de certaines sculptures, ou dans les Danses macabres, des pieds empruntés à une icône d’Andreï Roublev, mais aussi des Fruits indéfinis empilés en pyramide comme on réarrange les billes du billard avant de commencer la partie. Ou encore un soleil vert, des fragments d’une lampe Tahiti d’Ettore Sotsass, des Paysages variés qui s’offrent comme des méditations. Puis quelques étrangetés ici et là...

Jean-Marie Gallais

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